Mascarade, de Ray Celestin

Le premier tome de cette série de quatre se déroulait à La Nouvelle-Orléans en 1919 où nos héros pourchassaient un tueur en série, le deuxième se passe en 1928 à Chicago. Michael a quitté la police pour devenir détective pour l’agence Pinkerton, Ida Davis l’a rejoint et ils forment un tandem efficace, mais les affaires vraiment intéressantes ne sont pas fréquentes. Une femme très riche vient leur demander de retrouver sa fille portée disparue depuis une semaine, ainsi que son fiancé. Le père est absent et nos héros se rendront vite compte qu’il cherche plutôt à leur mettre des bâtons dans les roues.

De son côté Al Capone, le roi incontesté de la ville mandate Dante un des anciens membres de sa garde rapprochée pour enquêter sur du champagne empoisonné qui a provoqué un carnage lors d’une fête réunissant le gratin de la ville. Dante s’est enfui à New York huit ans plus tôt après que sa propre famille ait succombé à du champagne frelaté. Jacob, photographe de scène de crimes, qui rêvait de devenir policier, mais a été recalé à cause d’une cheville handicapée, est appelé sur un meurtre particulièrement sordide. Etant passionné par les enquêtes policières et non corrompu, il décide d’élucider ce crime vu que la police débordée et peu concernée refuse de s’intéresser à ce fait divers en lien avec la ségrégation. Bien sûr les trois enquêtes vont peu à peu se réunir, mais on les suit séparément. Leur progression n’est pas rapide, mais passionnante. Louis Amstrong (ex Lewis), ami d’enfance d’Ida ne participe plus à l’enquête, il ne donne que quelques renseignements. Il est devenu une star.

Le contexte historique est très fouillé, l’auteur a pris quelques libertés mineures, comme situer un évènement avant ou après sa date réelle (quelques mois ou semaines, pas d’anachronisme). A la fin il explique son projet en détail. Chaque tome raconte l’histoire du jazz et de la mafia dans une ville, une saison et une décennie différentes, en suivant la structure d’un morceau phare, ici West end blues. Je connais et apprécie peu le jazz, aussi ne m’en serais-je pas aperçue si l’information ne figurait pas dans la postface. Notre intrigue se déroule en été 1928 dans une ville marquée par la Prohibition et tous les trafics qui en découlent, alcool, drogue, prostitution. Les autorités sont complètement corrompues, qu’il s’agisse des politiques ou de la police. Le gouverneur a établi un tarif pour les amnisties, ce qui permet aux plus dangereux criminels de sortir rapidement de prison, y compris des tueurs. Les mafieux sont les rois de la ville, deux clans se disputent la suprématie. Al Capone est une vedette, un vrai notable, bien plus puissant que le maire ou le gouverneur. Le roman nous le présente malade, il apprend qu’il a une syphilis au dernier stade, il se soucie de l’avenir de son fils qui a été contaminé, il serait presque sympathique. C’est d’ailleurs un « pétage de plomb » en février 1929 qui signera la fin de son règne. Il supervise tous les trafics et gère les club où les musiciens de jazz se produisent. Jacob, Michael et Ida sont des personnages intègres et incorruptibles, contrairement à la police locale complètement noyautée par Al.

Chicago est un personnage à part entière du roman, même si nos deux détectives ne s’y sentent pas intégrés près de dix ans après leur arrivée, ils regrettent La Nouvelle Orléans. Chicago est une ville sombre, la mafia la domine et la ségrégation y règne, même si ce n’est pas officiel. Les Noirs et les immigrés pauvres n’ont pas d’autres perspectives que la délinquance ou un travail abrutissant aux abattoirs. Michael cherche une solution pour garantir l’avenir de ses enfants métis. Les attentats à la bombe se succèdent, les riches ont recours à des intermédiaires pour venir s’encanailler dans le quartier noir. L’alcool coule à flot malgré la Prohibition, mais il est souvent frelaté, le trafic de drogue se développe rapidement malgré l’opposition d’Al Capone. C’est un roman très noir. On sait d’ailleurs que la mafia a encore de beaux jours devant elle avant qu’un certain Bobby Kennedy n’essaie d’y mettre un terme.

Le jazz joue un rôle important, il est né à La Nouvelle Orléans et a grandi à Chicago, comme le dit Louis Amstrong. La loi interdit aux Blancs et aux Noirs de jouer ensemble, sauf clandestinement. Ainsi des orchestres blancs se sont appropriés cette musique et l’ont fait connaître à l’élite aisée, il y a une certaine rivalité entre les différents orchestres.

C’est un superbe polar historique, le quatrième volet est sorti il y a quelques mois en anglais, quant au troisième, il ne tardera sans doute pas à sortir de ma pal.

12 réflexions sur “Mascarade, de Ray Celestin

  1. J’avais adoré le premier volume, j’ai bien aimé le suivant aussi et je vais tenter de lire le 3ème pour le Mois Anglais (son auteur est anglais, yes, double challenge). J’adore les ambiances et les contextes historiques.

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