Gazoline, d’Emmanuel Flesch

Gros coup de coeur pour ce livre audio lu par François Hatt qui nous fait voyager dans un village de Bourgogne. Il donne de l’épaisseur et de la vie à de nombreux personnages, son interprétation sonne toujours juste, qu’il s’agisse des enfants, des adultes ou des personnes âgées. J’ai adoré suivre la vie de cette communauté rurale durant un an, de l’automne 1988 à la fin de l’été 1989. Etant aussi issue d’une région viticole, j’ai particulièrement aimé les descriptions des travaux agricoles, l’ambiance de cette période est vraiment très bien rendue.

La vie est tranquille et plutôt ennuyante dans ce village, il ne se passe rien, c’est du moins l’avis des adolescents qui se réunissent près de la cabine téléphonique du camping pour fumer, vivre leurs premiers émois, mais surtout rêver d’une vie meilleure après le lycée, quand ils pourront partir au loin. Les enfants jouent dans la forêt. Samuel, dix ans, se lie avec Alex qui vient d’arriver dans le lotissement construit sur une ancienne parcelle agricole, mais surtout il est amoureux de Delphine, la fille du vigneron, sa camarade de classe. Il rêve de l’épouser plus tard, mais ne sait comment le lui dire. Les adultes se soucient des prochaines vendanges et de politique. Un incendie se déclare dans la grange du père de Delphine, causant la mort de ses chèvres. L’incendie est vite éteint, mais il continue à couver dans le village, faisant remonter à la surface les vieux secrets, les rancunes et les rivalités. Samuel a croisé Gildas, le voyou local près de la grange juste avant l’incendie, mais il doit garder le secret sous peine de terribles représailles. Delphine est bouleversée par la mort de ses biquettes et Samuel pris dans un terrible conflit de loyauté. L’enquête incrimine différentes personnes, puis les innocente avant de conclure à un accident, mais les villageois ne sont pas de cet avis. La préparation du bicentenaire de la Révolution exacerbe les tensions.

J’ai beaucoup aimé suivre la vie de ce village pas aussi tranquille qu’on pourrait le penser. Les personnages sont très bien croqués, ils sont tout en nuances et très plausibles. Ils ont tous leurs traits de caractère et des personnalités réalistes. Delphine et Samuel sont très attachants, leur joies, leurs peines et leurs espoirs m’ont fait vibrer. C’est un magnifique roman d’apprentissage, empreint de nostalgie pour ceux qui ont connu cette époque. L’auteur raconte avec beaucoup de talent la vie de cette communauté traversée par de sombres rancunes et des jalousies tenaces.

Deux époques s’entrechoquent, les vignerons essaient de préserver les traditions, mais le père Berthelot a dû vendre une partie de ses terres pour construire le lotissement qui amène de nouveaux habitants et des citadins. La perte de son matériel agricole le met en grande difficulté, la dureté de la vie paysanne est mise en avant. Le groupe des adultes avec le curé, le maire, le notable et le vieux communiste est truculent, ça m’a fait penser à Pepone et Don Camillo.

Il ne se passe finalement pas grand chose dans cette bourgade, mais l’auteur a su en faire un récit passionnant et touchant. Une magnifique découverte qui mérite largement ses cinq étoiles..

#Gazoline #NetGalleyFrance !

Version 1.0.0

Heart’s Players T1, d’Alice Desmerveilles

Ma passion des livres audio m’a emmenée dans un autre roman destiné aux jeunes adultes, un roman qui a connu un succès fulgurant. C’est typiquement le genre que j’aime écouter mais que je ne lirais pas en texte. J’apprécie vraiment ce format qui permet de sortir de mes habitudes et m’ouvre des horizons où je ne m’aventurerais pas autrement. La romance, ce n’est vraiment pas mon style, mais comme j’aime écouter des histoires, ça passe très bien. Je pense que le format audio résonne avec mes souvenirs d’enfance où j’aimais écouter les contes racontés par ma grand-mère. Ce roman est lu avec brio par Laurent Blanpain et Jessica Monceau, j’aime beaucoup que les personnages féminins et masculins soient interprétés par deux narrateurs, c’est plus réaliste.

Et il s’agit bien d’un conte de fées moderne, destinés aux jeunes adultes, plus qu’aux ados vus les quelques scènes de sexe plutôt hot (et dérangeantes de mon point de vue). Lilly et Sarah sont deux étudiantes en médecine de dix-neuf ans. Lilly s’est complètement repliée sur elle-même après le décès de son père deux ans plus tôt, on comprendra pourquoi à la fin. Elle est très sérieuse et se consacre exclusivement à ses études, aussi son amie lui propose-t’elle de concocter une Bucket List de défis improbables qu’elles devront relever durant leurs vacances. Killian, frère de Lilly dont Sarah est secrètement amoureuse depuis ses huit ans, a quitté sa famille pour s’installer en colocation avec Maël, la star montante du football (américain) dont il a intégré l’équipe. Un groupe de joueurs vit ensemble dans un grand appartement de New York. Maël est réputé pour être un mauvais garçon; Lilly le déteste car elle estime qu’il a une mauvaise influence sur son frère et surtout qu’il a causé la rupture familiale. Un des défis proposés par Sarah consiste en une virée dans une boite de nuit célèbre et ça tombe bien car Killian, Maël et leurs amis y fêtent leur dernière victoire, mais Lilly est bien décidée à jouer le rôle du grain de sable qui grippe la mécanique. La rencontre sera aussi explosive qu’on peut s’y attendre et débouchera sur un autre défi encore plus fou.

On comprend tout de suite que Maël et Lilly vont tomber amoureux, même si ça n’a rien d’un coup de foudre, mais une lente progression qui alterne attirance et répulsion. Les choses seront plus facile pour Sarah et Killian. Les personnages des garçons sont plus complexes et intéressants que les deux filles qui sont assez transparentes. Lilly est vraiment énervante et immature, on dirait qu’elle a treize ans . Elle est terriblement égoïste, elle refuse que Killian prenne son indépendance et ne soit plus le grand frère toujours à l’écoute avec qui elle peut tout partager. Elle a un horizon assez limité, entre ses principes rigides et sa relation exclusive avec son frère et sa meilleure amie. Elle donne l’impression d’être figée dans une phase de développement antérieur. Sous son côté de fille bien sous tous rapports, elle est complètement centrée sur elle-même et égoïste. Mael est tout le contraire, il a mauvaise réputation, passe pour un dur, voire un voyou, mais c’est un garçon sensible et surtout tourné vers les autres, qu’il s’agisse de ses amis ou de Lilly. Il est vraiment touché de la détresse de ses amis, cachée sous leur goût de la fête et essaie vraiment de les aider. Je l’ai trouvé très attachant et protecteur, un vrai homme de bien sous des dehors assez bruts. Avec leurs tempéraments opposés, la relation entre Maël et Lilly promet d’être explosive.

Une lecture légère et sympathique, de plus j’adore New York, j’aime y retourner à travers les livres, c’est nettement moins qu’un billet d’avion et ça me rappelle d’excellents souvenirs. Merci à Lizzie et Netgalley pour leur confiance.

#HeartPlayersT1BucketList #NetGalleyFrance !

Meurtres et châtiment, d’Aurélie Ribière

J’ai découvert avec grand plaisir cette nouvelle série de mystery cosy qui se passe dans le sud de la France avec une héroïne mi-anglaise mi française. Gaia travaille dans une librairie de Londres, elle ne s’entend pas avec sa patronne, aussi, lorsque son excentrique grand-mère lui propose de reprendre l’établissement familial dans la région toulousaine, elle ne se fait pas prier. Elle s’attend à vivre une vie de rêve sous le soleil, mais elle arrive au village un jour de tempête. Le ton est donné, rien ne se passera comme prévu : l’employé de la librairie se montre peu aimable le premier jour, elle n’a pas de voiture et sa grand mère est un danger public mais elle n’a pas envie d’utiliser le vieux vélo de sa mère. Heureusement, elle retrouve les amis d’enfance avec lesquels elle passait ses vacances. Elle renoue avec sa petite bande quelques jours après son arrivée, elle prend ses marques peu à peu. Toutefois le répit sera de courte durée, le lendemain elle va se promener dans les bois et tombe sur le cadavre tout frais d’un de ses amis, apparemment victime d’un accident de chasse. Gaia passe sa vie dans les livres, connaît la définition de nombreux mots, mais surtout les méthodes infaillibles d’Hercule Poirot, aussi ses amies lui demandent-elles d’enquêter sur cet accident vraiment suspect. Notre libraire détective va vite s’apercevoir que la réalité est moins évidente que l’univers romanesque.

J’ai beaucoup aimé cette héroïne attachante qui nous partage ses pensées avec humour, moitié en français, moitié en anglais. Ses aïeules ne manquent pas d’originalité non plus, surtout la grand-mère qui abandonne sa librairie pour se consacrer à sa nouvelle passion, le dialogue avec les esprits. La vie du village est bien croquée, avec ses ragots, ses secrets plus ou moins bien gardés, ses jalousies. L’enquête est bien ficelée, même si j’ai vite deviné qui est l’assassin (mais pas son mobile). Il y a un début de romance et je compte bien lire la suite de ces aventures déjantées dans la campagne française.

La plume est très agréable, pleine de fraîcheur et de légèreté. L’auteure se moque des travers anglais et français que Gaia cumule, mais sans méchanceté. Gaia pense d’abord que rien n’a changé mais elle n’a pas revu ses amis depuis dix ans et la situation a beaucoup évolué depuis leur adolescence, ce dont elle prendra conscience tout au long du roman. J’ai aussi beaucoup aimé la rencontre entre Gaia et Tristan, c’est assez rare qu’un duo d’enquêteurs comprenne une personne handicapée.

Je ne manquerai pas de lire la suite de leurs aventures. J’apprécie beaucoup les cosy mystery et je devrais en lire plus, j’ai le premier tome de nombreuses séries dans ma pal.

Le crime d’Orcival, d’Emile Gaboriau

J’ai retrouvé avec plaisir Monsieur Lecoq, ancêtre de Sherlock et un des tout premier héros de roman policier. J’apprécie que les Editions Voolume nous permettent de redécouvrir cet auteur un peu oublié, mais dont les livres passionnants n’ont rien à envier aux polars contemporains.

Deux braconniers trouvent le corps de la comtesse de Trémorel, ils hésitent à avertir les autorités, mais finalement leur bon geste sera bien mal récompensé puisque le juge d’instruction venu de la ville voisine voit en eux et dans le jardinier des coupables tout trouvés. Monsieur Lecoq est dépêché de Paris par la Sûreté. Il comprend tout de suite que la situation n’est pas aussi simple que le juge veut bien le croire, il examine la scène de crime en détail et est conforté dans ses investigations par le père Plantat, le juge de paix qui connaissait bien le comte et la comtesse. D’ailleurs le mari est aussi introuvable, a-t’il aussi été assassiné et jeté à l’eau ou la vérité est-elle bien plus trouble ?

Lecoq est animé par un désir de justice et une volonté de comprendre ce qui s’est vraiment passé, contrairement au juge d’instruction qui préfère boucler son enquête rapidement en allant au plus évident. L’examen de la scène de crime est très intéressant, Lecoq est un fin observateur et possède un esprit de déduction affuté dont ne rougirait pas Hercule Poirot. Derrière ces apparences simples se cache une vengeance diabolique et raffinée. Le père Plantat a un intérêt tout personnel à la bonne résolution de l’enquête, tout comme le maire du village, plutôt haut en couleur.

Les personnages sont très travaillés et détaillés, leurs caractères et motivations passés au crible. Gaboriau pose un regard ironique sur la vie de son temps, marquée par une grande hypocrisie sociale et le règne des apparences, mais est-ce bien différent aujourd’hui ? La vision des femmes et de leur rôle est celle de l’époque, elle n’est pas très flatteuse. On a d’une part la comtesse, une intrigante prête à tout pour parvenir à ses fins et toujours insatisfaite de son sort, et d’autre part Laurence, jeune écervelée séduite qui se montrera plus courageuse que son amant. Les femmes sont donc toujours dépendantes des hommes.

Les réflexions sur la justice sont intéressantes et plutôt novatrices, l’auteur fustige les injustices et l’aveuglement des institutions. Le juge réagit selon ses préjugés et ne peut concevoir que des petites gens puissent être accusés à tort, ils sont forcément coupables, les apparences sont contre eux. Dans toutes ses enquêtes Lecoq s’oppose à l’arbitraire du temps et fait triompher la justice sans hésiter à s’en prendre aux puissants. Comme tout bon roman policier, cette série offre un regard critique sur la société.

La version audio lue par Philippe Caulier est vraiment excellente, il donne vie avec brio à de nombreux personnages, nous permettant un voyage dépaysant au milieu du dix-neuvième siècle. De plus la couverture est superbe et donne encore plus envie de découvrir ce roman qui est une fois de plus un gros coup de coeur. Merci à Netgalley et Voolume pour leur confiance.

#LeCrimedOrcival #NetGalleyFrance !

Le feu dans le vallon, d’Yves Balet

Véronique Carroz se rend chez Me Ledain à Sion et lui demande s’il accepte de la défendre, elle s’accuse de deux meurtres, elle lui confie un document retraçant son histoire et ils conviennent de se revoir une semaine plus tard, car elle n’est accusée de rien pour le moment. Un vieux paysan alcoolique a été égorgé dans un bois en Valais, la police n’a aucune piste. Dans le canton de Vaud, c’est le Dr Jacques Gaudin, un célèbre cardiologue pour enfant qui meurt dans un accident de voiture sur une route ne présentant aucun danger. C’est une star des médias, donc une affaire sensible. La police scientifique remarque rapidement que ses freins ont été trafiqués, de plus la première victime est son père. Le commissaire Salvi de Sion et une policière de Lausanne mènent l’enquête sur ces deux meurtres, ils soupçonnent rapidement un drame familial. De son côté l’avocat a quelques entrevues avec Véronique qui devient rapidement le centre de l’enquête. Elle ment allégrement aux policiers, ce qui ne fait qu’attirer les soupçons sur elle et les lourds secrets de cette famille dysfonctionnelle. Mais la situation s’annonce encore plus compliquée et explosive que prévu.

On suit l’enquête policière, entrecoupée de l’histoire de Véronique à la fin des années 1940 quant elle était adolescente et victime d’abus sexuels. Rachel, la policière vaudoise et le commissaire Salvi connaissent aussi un début de romance, lui est presque amoureux mais Rachel n’est intéressée que par la relation physique, elle refuse tout attachement. Les chapitres sont courts et les points de vue alternent rapidement, ce qui donne du rythme à ce polar très bien écrit.

Ce livre m’a fait penser à Sa préférée, de Sarah Jolien-Fardet, on est exactement dans le même contexte : un village dans une vallée valaisanne, dans un milieu pauvre, avec un père (ici un beau-père) alcoolique et violent qui terrifie sa famille et abuse de la fille en toute impunité car la mère a trop peur pour intervenir et fait semblant de ne rien voir. Véronique quitte la maison dès qu’elle le peut et part travailler en ville, mais elle ne pourra se reconstruire. Ses traumatismes se reporteront sur la génération suivante et seront la cause des drames actuels.

Le thème dominant est celui de la violence faite aux femmes. Les trois femmes présentes dans le roman, Véronique, sa mère Rose et Rachel en sont victimes mais leur réponse est différente. Rose nie la situation et fait semblant de ne rien voir, elle ne défend pas sa fille par peur de son mari. Véronique a complètement perdu l’estime d’elle-même et acceptera la maltraitance toute sa vie’ ce qui empêchera son fils de se construire de manière équilibrée et le rendra violent à son tour. Il y a un cercle vicieux dont les victimes ne peuvent sortir et qui se reproduit d’une génération à l’autre. Rachel refuse ce mécanisme et la domination masculine, elle privilégie des relations basée uniquement sur le sexe.

Jacques n’est que la victime d’un des meurtre, mais lui aussi s’est laissé entraîner dans la violence de son père quand il était adolescent. C’est dommage que l’auteur ne lui donne pas la parole, mais on peut penser que son choix de sauver des enfants est un moyen de se racheter, illustrant la sortie du cercle vicieux. Véronique est la fois victime et d’une manière coupable selon Me Ledain, non pas sur le plan pénal, mais sur le plan moral. C’est vrai que ce personnage n’est pas sympathique, mais on sent que l’auteur n’a aucune indulgence pour elle. La non communication aggrave la situation, la famille a complètement coupé les ponts et personne n’a jamais essayé de réparer le mal subi et commis, on est dans une fatalité sans issue. C’est un roman très sombre, qui démontre une fois de plus que le polar romand se porte très bien.

L’été des Danois, d’Ellis Peters

J’avais laissé tomber la fin de cette série ces deux dernières années, mais je vais essayer de la terminer dans un futur pas trop lointain. Je ne me fixe pas vraiment d’objectifs de lecture vu ma difficulté à m’y tenir, je rencontre toujours de nouvelles tentations et mes projets en ce domaine changent sans cesse. Mais terminer quelques séries entamées est une des bonnes résolutions pour 2024 et celle-ci l’est pratiquement.

Frère Cadfael reçoit la mission d’accompagner son ami Frère Mark dans une ambassade au Pays de Galles pour le compte de l’évêque Roger de Clinton, nous sommes au printemps 1144 et l’église anglaise, soumise à Rome veut faire le ménage au Pays de Galles où la tradition celtique domine. L’un des évêques locaux a décidé de sévir contre les prêtres mariés et Roger lui fait part de son soutien. La première partie du voyage se passe bien, les deux moines sont reçus à la cour du prélat, puis tout le monde se dirige vers la demeure d’un prince local. Et là les tensions éclatent au grand jour, le prince et son frère sont en conflit, ce dernier a fait appel aux Danois, c’est à dire aux Vikings pour s’emparer du pays. Un homme se fait assassiner, une jeune fille s’enfuit pour échapper au mariage concocté par son père, les deux moines se lancent à son secours avant l’arrivée des Danois, mais ils se retrouveront tous les trois prisonniers du chef viking, fort civilisé par ailleurs. Mark aura fort à faire pour éviter un conflit sanglant entre les deux princes.

Ce roman ne suit pas le schéma habituel de la série, il y a certes un assassinat, mais il se résoudra tout seul, Cadfael fait les premières constatations, puis ne s’occupe que de sa mission et de porter secours à Helledd, la jeune fugueuse. A la fin l’assassin fera des aveux spontanés alors que personne ne lui demande rien, il n’y a donc pas d’enquête. Il y a bien une histoire d’amour contrariée que Cadfael encouragera selon son habitude, la romance est toujours aussi évidente, mais ça fait le charme de cette série.

Le contexte politique est toujours aussi soigné et documenté, il nous permet de connaître en détail la vie et les conflits dans le nord de l’Angleterre et le Pays de Galles à cette période très mouvementée. Dans ce tome on ne s’occupe pas du conflit qui ravage l’Angleterre en opposant le roi Etienne et l’impératrice Mathilde, mais de celui entre princes gallois et vikings. Chaque tome porte sur un aspect de la vie de l’époque, la série formant une très belle fresque. Ici on est plus dans un roman historique que dans un polar, l’action est surtout diplomatique. L’Eglise romaine étend toujours plus son influence et l’Eglise celtique s’y soumet peu à peu, mais cette évolution engendre de nombreux conflits, les princes étant pris entre deux feux, mais le Pays de galles perd peu à peu son indépendance jusqu’à devenir une simple partie du Royaume Uni. L’influence de l’Angleterre est liée à la puissance romaine, incarnée ici par nos deux moines.

Si le tableau historique est bien documenté en général, l’auteure a pris ici le parti de donner une image peu réaliste du camp des Danois, qui sont tous des gentlemen champion de l’amour courtois. Helledd est traitée comme une princesse et peut se promener librement dans le camp, sans qu’aucun soldat ne la regarde d’un oeil lubrique, alors que dans la réalité elle aurait été violée plus d’une fois. L’auteure ne fait jamais preuve de réalisme sur le sort des femmes en temps de guerre.

Cadfael parle avec nostalgie de sa jeunesse aventureuse et je trouve qu’on sent arriver la fin de la série, il ne reste que deux épisodes, et un recueil de nouvelles qui ne suit pas le schéma temporel des autres romans. Cadfael se fait vieux, il a plus de soixante ans et Mark joue le premier rôle dans cet épisode, son ami étant prisonnier durant la grande majorité de l’intrigue.

Tupinilandia, de Samir Machado de Machado

J’ai failli abandonner ce roman à plusieurs reprises, mais je n’abandonne jamais les SP, aussi ai-je pris mon mal en patience durant une dizaine de jours. Le début est très lent, il se passe enfin quelque chose après quarante-deux pour cent du livre, ensuite la situation s’arrange un peu. Toutefois je suis loin de partager les chroniques enthousiastes que j’ai lues.

La première partie traite de la jeunesse de Joao Amadeus Flynguer, fils d’un entrepreneur américain émigré au Brésil qui a investi dans le BTP et le cinéma. A quatorze ans, il rencontre son idole Walt Disney et accompagne son groupe invité par son père pour une tournée dans le pays en 1941. Joao se passionne pour les films d’animation et en particulier pour Donald. La deuxième partie se passe environ quarante ans plus tard. Tiago un journaliste ami de Beto, le fils de Joao est invité par ce dernier à documenter la construction du parc d’attraction de Tupinilandia qu’il a bâti dans le plus grand secret près d’Altamira dans la jungle amazonienne. Il est convié avec la famille Flynguer et des invités triés sur le volet pour la pré inauguration du parc. Toutefois le régime militaire sera bientôt abrogé et un groupe de fascistes qui ne l’entend pas de cette oreille attaque le site durant le week end. Les festivités tournent au carnage. La dernière partie se déroule trente après le drame. Beto qui ne sait absolument rien des affaires familiales gérées par sa soeur est devenu un mécène. Le parc abandonné sera bientôt inondé par un barrage, aussi propose-t’il à un archéologue, qui est aussi un petit-cousin de cartographier les lieux. Artur Flinguer monte une expédition à laquelle participe sa fille Lara. Contrairement à ce que Beto croyait le parc n’est pas à l’abandon, mais le groupe qui s’en est emparé a prospéré en secret avec l’accord de sa soeur Helena, qui devra essayer de sauver les savants pris au piège.

Ce roman présente de nombreuses longueurs, il ne se passe pratiquement rien durant plus du premier tiers. Les descriptions sont sans fin et on se perd sans cesse dans les détails. L’intrigue aurait pu être condensée sur la moitié des pages et le livre aurait sans aucun doute gagné en intérêt. Quand l’action démarre enfin, elle se dilue aussi dans des détails inutiles qui la ralentissent. Certaines scènes sont franchement caricaturales notamment sur les diverses mésaventures des archéologues, il n’y a rien de crédible. J’ai supposé qu’il s’agit d’un pastiche d’Indiana Jones. Artur ne cache pas que le prénom de sa fille vient de l’héroïne de jeu vidéo Lara Croft, encore un cliché.

La thématique principale du roman tourne autour des régimes autoritaires et du fascisme au Brésil. Les gouvernements même démocratiques sont fortement corrompus et l’extrême-droite tient le haut du pavé, les maîtres de Tupinilandia sont complètement obsédés par le communisme et ont crée une réalité parallèle avec la bénédiction d’Héléna, qui s’y connaît en corruption. Joao a idéalise l’oeuvre de Disney, en particulier ses parcs. Il veut en faire une version brésilienne qui mettait en scène une vision rêvée du pays, tel qu’il devrait être et non tel qu’il est. La narration part dans tous les sens. oscillant entre détails inutiles, propos politiques et caricature d’Indiana Jones. La présentation était alléchante, mais les promesse sont loin d’être tenues, un grosse déception. Un livre à fuir.

#Tupinilândia #NetGalleyFrance !

L’invité(e) de trop, de Lucy Foley

Aoife et Freddy vivent sur une île du Connemara, dans une magnifique demeure qu’ils ont restaurée et dans laquelle ils organisent des mariages. Julia, propriétaire d’un magazine de luxe et Will une star de la téléréalité ont choisi d’y célébrer le leur. L’île n’est plus habitée et la nature est superbe avec ses tourbières et ses rochers offrant un cadre de rêve. Les proches des mariés commencent la fête le vendredi soir alors que les autres invités n’arriveront que le lendemain. L’alcool coule à flot, les langues se délient et les vieux secrets vont remonter peu à peu à la surface. Will a invité sa petite bande d’amis avec laquelle il est lié depuis le lycée, Julia son meilleur ami Charlie qui sera le maître de cérémonie et sa demi-soeur Olivia, Hannah, l’épouse de Charlie se sent de trop. La météo devait rester au beau, mais une tempête imprévue fait rage, dégradant encore un peu plus l’ambiance lugubre de la fête qui tourne rapidement au règlement de compte.

Il s’agit d’un roman choral qui donne la parole alternativement à cinq personnages, plutôt bien campés mais très cliché. La nature et les paysages sont très bien décrits, ils participent activement à l’intrigue, entre la tempête et les invités qui se perdent dans les tourbières. Il s’agit d’un huis clos, les invités sont coincés sur l’ile par la tempête, ce qui n’est pas bien original. La fête commence bien, mais l’alcool aidant, les rancoeurs, les mensonges et les trahisons vont se révéler peu à peu. On alterne entre le moment présent et les histoires anciennes qui rendent la situation explosive.

Le style est assez plat et il y a de nombreuses longueurs. J’ai trouvé que l’intrigue peinait à vraiment démarrer. J’ai eu l’impression d’un potentiel mal exploité, les personnages ont un côté cliché en dehors d’Hannah et d’Olivia, qui sont les plus intéressants. Après avoir trainé, l’intrigue se termine de manière abrupte et peu crédible. Les relations entre tous les personnages, sauf les propriétaires sont très toxiques, sous le sceau du mensonge et de la dissimulation.

Ce n’est pas un mauvais roman, mais j’en attendais plus au vu des critiques élogieuses qu’il a reçu. Je me suis souvent ennuyée durant cette lecture et elle sera vite oubliée. Je n’ai pas aimé le côté cliché de certains personnages, ni la prévisibilité de certains rebondissements. J’ai vraiment l’impression que l’auteure n’a pas su exploiter le potentiel de cette histoire, ni la développer au mieux.

#Linvitéedetrop #NetGalleyFrance !

Le pacte de l’étrange, de John Connolly

J’ai retrouvé avec plaisir Charlie Parker et ses enquêtes particulières. J’ai lu quelques épisodes dans le désordre, il faudra une fois que je reprenne la série dans l’ordre, même si on comprend très bien ce roman sans avoir lu le précédent. J’avais besoin d’un héros avec un prénom commençant par C pour la chasse au trésor et par chance ce polar figurait dans la sélection trois pour deux d’Audible, je ne pouvais que me laisser tenter.

Charlie Parker est chargé par le FBI de retrouver Jaycob Eklund, un détective privé porté disparu. Ross refuse de lui dire sur quoi il enquêtait. Avec ses amis Luis et Angel, Charlie va ainsi se mettre à traquer une société secrète qui sévit depuis le dix-neuvième siècle et multiplie les meurtres. Une mamie mafieuse et son fils s’y intéressent aussi, mais la secte ne manque pas de ressource, ni de fantômes pugnaces pour se défendre. Par ailleurs Charlie doit se battre contre son ex-femme Rachel qui veut assumer seule la garde de leur fille.

Ce polar mêle habillement enquête et surnaturel de manière très crédible. C’est totalement impossible, mais Connolly arrive à faire passer la pilule sans problème. Charlie habite le Maine, ce qui n’étonnera personne et sûrement pas les fans du grand King, ce polar me fait aussi fortement penser à la série des Pendergast qui flirte aussi avec le fantastique. Charlie et ses amis sont experts pour manier l’humour noir. J’aime beaucoup l’ambiance noire et glauque de ce roman. Le rythme n’est pas trépident, c’est plutôt un polar d’ambiance si on peut dire. La version audio permet de se plonger complètement dans cet univers étrange, aux frontières du réel et du surnaturel. L’enquête est bien ficelée et crédible, même si on y trouve des fantômes en plus de la mafia, sans oublier un agent du FBI retors. Un très bon polar.

Version 1.0.0

Trois femmes disparaissent, de James Patterson

Anthony Costello, comptable de la mafia et neveu du big boss est retrouvé mort, lardé de coups de couteau au fond de sa cuisine. Sean Walsh se voit confier l’enquête avant d’en être dessaisi. Sa femme, cuisinière du défunt est portée disparue tout comme la femme de ménage et l’épouse du mafieux. Sont-elles des victimes collatérales ou des coupables en fuite ?

Il s’agit d’un roman choral où l’on suit Sarah, la cuisinière, Anna l’épouse et Sean le policier qui se révèle vite complètement impliqué dans les affaires des Costello. La première partie consacrée au trio féminin est intéressante et haletante, mais dès la deuxième partie, le rythme ralentit, des longueurs apparaissent et le soufflé retombe. Le dénouement est assez prévisible et bien américain, les méchants sont punis et les gentilles sauvées. J’aime les thrillers de cet auteur mais je trouve qu’il est meilleur dans les séries que dans les one shot comme c’est le cas ici. Le roman commence bien, s’annonce prometteur mais la tension retombe trop vite. J’ai été d’autant plus déçue que j’en attendais nettement plus au vu de ses précédentes intrigues.

Les personnages sont bien campés, surtout les femmes. J’ai particulièrement aimé Doris, la restauratrice qui aide Sarah et sa tante Lindsay, une infirmière qui ne manque pas de ressources ni de bonnes idées. Les hommes sont tous des ordures, flic véreux ou mafieux, particulièrement violents envers les femmes. Il y a un côté très manichéen, en tout cas plus que dans d’autres romans de Patterson. La violence envers les femmes est le thème dominant du livre.

Je m’attendais à mieux. Cette lecture n’est pas désagréable, loin de là, mais je dirais que c’est le genre de thriller vite lu et vite oublié. Il y a plus de profondeur d’habitude. Cette déception ne m’empêchera pas de me plonger dans la suite des séries de l’auteur que j’apprécie, qu’elles se déroulent à New York ou en Australie.

#Troisfemmesdisparaissent #NetGalleyFrance !