La vérité n’aura pas lieu, de Frédéric Viguier

L’auteur est contacté par Gisèle Chabaud qui lui commande un livre pour réhabiliter l’honneur de son fils Sylvain, qui s’est suicidé après avoir été accusé d’attouchement sur une amie de sa fille âgée de quatorze ans. Elle est persuadée qu’il a été victime de violences policières et accusé sans preuve. Elle a déposé plainte contre les deux policiers qui l’ont interrogé, ils ont reçu un blâme, mais deux ans après les faits, rien ne calme sa colère. Elle ne demande pas à Frédéric Viguier d’enquêter comme un journaliste sur les faits, mais bien d’écrire un roman qui rendrait hommage à l’innocence bafouée de Sylvain. Etant en manque d’inspiration et d’argent, il accepte. Dès le début, Gisèle ne lui communique qu’une partie des pièces du dossier et refuse vigoureusement qu’il rencontre Alice, la femme de Sylvain, sa fille Cassandra ou encore Manon la victime.

Il s’agit d’un roman choral à la charpente particulière. On suit la construction du livre en alternance avec des chapitres où Sylvain Chabaud et sa famille racontent leur histoire. On assiste à la déconfiture de cet homme qui a tendance à se croire le centre d’un monde qui va s’écrouler en un week end. Les réflexions de l’auteur sur le processus d’écriture sont passionnantes, sa position évolue tout au long de son travail. Au début, Gisèle compte en faire le nègre de son propre livre, ce qu’il accepte surtout pour des raisons financières, mais il s ‘implique peu à peu dans son travail et se l’approprie. Le livre devient de plus en plus le sien, Gisèle essaie de contrer le mouvement, mais finit par céder. Elle lui donne les dernières pièces du dossier, mais ne veut plus rien avoir à faire avec lui tant elle se sent dépossédée de son projet. La réflexion sur le rôle de la littérature, en opposition au journalisme est vraiment passionnante. Elle ne doit pas simplement décrire le réel, mais aller au-delà pour trouver une vérité qui dépasse les faits bruts. Il se réfère à de nombreuses reprises au roman de Truman Capote, De sang froid, ce qui m’a donné très envie de le sortir de ma pal, ce sera sans doute une de mes prochaines lectures. Il réfléchit aussi à ses motivations, pas forcément héroïques, mais finalement c’est la littérature qui gagnera la combat.

La position de l’auteur sur la culpabilité de Sylvain évoluera aussi au fil des pages. Sa mère voit en lui un innocent injustement accusé, mais il se rend vite compte que la réalité est beaucoup plus complexe. On ne sait pas s’il a fait ce dont tout l’accuse et finalement ce n’est pas la question essentielle du livre. Sylvain, Alice, Cassandra et les policiers dévoileront chacun leur point de vue et leur vérité.

L’auteur interroge tout le monde, sauf la victime, qui ne donne jamais son avis. On sait juste qu’elle ne se sent pas victime, mais que ce sont ses parents qui ont enclenché cette procédure. Cassandra, Manon et Sylvain ont des relations triangulaires très malsaines que l’auteur explore sans jamais se prononcer sur l’éventuelle culpabilité des protagonistes. On peut aussi se demander qui est victime de qui dans cette sombre histoire. Personne n’est tout blanc ou tout noir, même si Sylvain ne s’est pas toujours comporté en adulte responsable. Alice est très effacée et dominée par son mari, mais le drame la révèlera à elle-même. Elle saura faire face contrairement à Sylvain.

J’ai beaucoup aimé ce livre très original sur un sujet brûlant. Merci à Netgalley et aux Editions Plon pour leur confiance.

#Lavériténaurapaslieu #NetGalleyFrance !

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